CHAPITRE V

Qui-Gon Jinn se tenait tranquillement assis dans l’observatoire, face à la carte stellaire. De toutes les salles du Temple, c’était sa préférée. Un plafond d’un bleu velouté formait un dôme au-dessus de sa tête. La seule lumière provenait des étoiles et des planètes qui l’entouraient, minuscules têtes d’épingles multicolores sur fond de nuit. Il n’avait qu’à tendre la main pour toucher une planète, et un hologramme apparaissait, détaillant ses propriétés physiques, ses satellites et sa situation politique.

Ici, on pouvait obtenir des informations encyclopédiques sur n’importe quel sujet. Seul le cœur humain gardait tout son mystère.

Le Chevalier ne parvenait pas à oublier le visage désespéré d’Obi-Wan. Pourtant, il avait pris la bonne décision. La seule possible. Ce garçon se battait bien, mais avec une sauvagerie excessive. C’est là ce qui le rendait dangereux.

– Je n’ai aucune responsabilité envers ce garçon, dit-il à haute voix.

La voix de Yoda s’éleva derrière lui :

– En es-tu bien sûr ?

Surpris, Qui-Gon se retourna.

– Je ne vous ai pas entendu entrer.

Yoda s’avança dans la pièce.

– Une douzaine d’élèves ont combattu sous vos yeux. Si vous ne choisissez pas un Padawan, le rêve d’au moins un d’entre eux, vous détruirez.

Qui-Gon soupira et fixa une étoile d’un rouge brillant.

– L’an prochain, ils seront plus nombreux encore. À ce moment, peut-être me déciderai-je.

Chaque fois qu’il passait au Temple, Qui-Gon appréciait particulièrement ses entretiens avec Yoda. Mais aujourd’hui, il aurait bien voulu rester seul. Obi-Wan était un sujet qu’il ne voulait pas aborder. Il savait cependant que Yoda ne s’en irait pas avant d’avoir exposé son point de vue.

– Possible. Ou peut-être hésiterez-vous encore. Pourquoi pas le jeune Obi-Wan ? Il s’est bien battu…

– Oui, mais… avec férocité, répliqua le Chevalier.

– En effet. Un garçon que j’ai connu il y a bien longtemps, il m’a rappelé…

– Je vous en prie, coupa Qui-Gon. Xanatos n’est plus. Je ne veux pas y penser.

– Ce n’est pas à lui que je pensais, mais à vous !

Le Chevalier ne répondit pas. Il ne pouvait pas discuter avec Yoda : le Maître le connaissait trop bien.

– La Force est en lui, remarqua Yoda.

– Ainsi que la colère et l’imprudence, reprit Qui-Gon avec une trace d’irritation dans la voix. Il est fort probable qu’il se tournera vers le Côté Obscur.

– Ceux qui sont en colère ne choisissent pas tous le Côté Obscur, objecta calmement Yoda. Pas s’ils ont un professeur digne de ce nom.

– Je ne veux pas l’emmener avec moi, Maître Yoda, répondit Qui-Gon.

Son ton était neutre, mais il savait que Yoda sentirait sa détermination.

– Très bien. Mais le hasard n’est pas seul à régir nos vies. Si vous ne voulez pas prendre d’apprenti, peut-être qu’un jour le destin choisira à votre place.

– C’est possible, convint Qui-Gon. (Il eut une hésitation, puis :) Que va devenir ce garçon ?

– Travailler pour le Corps Agricole, il ira.

– Un fermier ? grogna Qui-Gon. (En son for intérieur il pensa qu’il était dommage de gâcher un tel potentiel.) Dites-lui… que tous mes vœux l’accompagnent.

– Trop tard. En route pour Bandomeer il est déjà.

– Bandomeer ?

– Cette planète vous connaissez ?

– Si je la connais ? Le Sénat m’a demandé de m’y rendre aujourd’hui même. Vous le saviez, n’est-ce pas ? ajouta Qui-Gon en décochant un regard soupçonneux au Maître.

– Hmmm… Non, je n’étais pas au courant. Mais plus qu’une coïncidence j’y vois. Obscures sont les voies de la Force.

– Pourquoi envoyer ce garçon sur Bandomeer ? C’est un monde brutal. Si le climat ne le tue pas, les prédateurs s’en chargeront. Il devra utiliser tous ses talents pour rester en vie – quoi qu’en pense le Corps Agricole !

– Oui, c’est ce qu’a dit le Conseil. Peut-être pour cultiver la terre, Bandomeer n’est pas l’endroit rêvé. Néanmoins pour l’apprentissage d’un jeune Jedi, c’est l’idéal !

– Si toutefois il n’y laisse pas sa peau, répliqua Qui-Gon. Vous devez vraiment avoir foi en lui. Plus que moi.

– Oui, fit Yoda avec un petit rire, c’est bien là où je voulais en venir. Écouter plus attentivement, vous devez.

Qui-Gon eut un soupir exaspéré et se tourna à nouveau vers les étoiles.

– Étudier la carte du ciel, vous pouvez Qui-Gon, dit le Maître en partant. Elle vous apprendra beaucoup. Mais en tirerez-vous l’enseignement qu’il vous faut ?